Mardi 5 novembre, une petite révolution a eu lieu, mais sans éclat. L’Université de Kyoto a lancé en orbite un satellite en bois. Oui, en bois. LignoSat, tel est son nom, est fabriqué à partir de magnolia et a pour mission d’explorer les possibilités du bois comme matériau écologique dans des industries aussi diverses que l’aérospatiale, l’aéronautique, et peut-être même les transports terrestres.
Le bois a toujours eu une place particulière dans le cœur des inventeurs et des ingénieurs. De la construction des premières roues à celle des chasseurs De Havilland Mosquito pendant la Seconde Guerre mondiale, ce matériau a démontré ses qualités de légèreté et de résistance. Aujourd’hui encore, il fait l’objet de recherches pour son potentiel dans la fabrication de véhicules plus légers et plus sûrs, comme le montrent les travaux des chercheurs de l’INSA Toulouse et de l’Institut Clément Ader. Le bois, modifié avec du carbone, se révèle même plus efficace que l’aluminium ou l’acier dans l’absorption des chocs lors des crashs automobiles. Ce n’est donc pas une question de nostalgie, mais de fonctionnalité.
Mais, et c’est là que ça devient intéressant, ce qui séduit surtout dans cette nouvelle vague d’utilisation du bois, c’est son empreinte écologique réduite. Le bois est biodégradable, non polluant et, une fois désorbité, un satellite en bois se consume totalement dans l’atmosphère sans laisser de trace. Là où les débris métalliques flottent dans l’espace, le bois se volatilise, laissant le ciel sans encombrement.
L’initiative de Kyoto pourrait ouvrir la voie à un futur où le bois serait un matériau clé pour la mobilité, non seulement dans l’espace mais aussi sur Terre et dans les airs. Pour des entreprises comme Aura Aéro et Mauboussin, qui testent déjà ce matériau pour la fabrication d’avions plus légers et écologiques, le bois semble être une réponse évidente à la crise environnementale qui secoue notre époque. Moins énergivore à produire que l’aluminium ou l’acier, il devient un choix pertinent dans la quête de solutions plus vertes.
Mais là où l’optimisme de certains fait place à une légère inquiétude, c’est dans la prise en compte des forêts elles-mêmes. Car pour que cette nouvelle révolution se fasse, il faudra bien que le bois provienne de quelque part, non ? Les forêts, véritables poumons de notre planète, sont déjà sous pression, et un tel engouement pour un matériau, certes écologique mais aussi coûteux en ressources, risque de venir alimenter le cycle de la déforestation. Si les forêts européennes sont encore relativement saines, celles des régions plus vulnérables, notamment au Sud, sont en danger. Dès lors, cette nouvelle « ruée vers le bois » pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l’équilibre écologique mondial.
L’équilibre fragile entre innovation et écologie
Il faut admettre que l’idéologie derrière LignoSat semble noble : utiliser un matériau naturel et renouvelable pour réduire l’impact écologique des technologies modernes. Et dans un monde où la durabilité est devenue une nécessité, ce retour en grâce du bois paraît tout à fait logique. Mais la vraie question est de savoir comment cet enthousiasme pourra s’accompagner de pratiques réellement durables. Car, comme le souligne l’équipe de chercheurs, il ne suffit pas de dire « bois » pour résoudre tous nos problèmes écologiques. Le bois, bien qu’une ressource renouvelable, n’en reste pas moins un bien précieux qui nécessite une gestion responsable et raisonnée.
Alors, au-delà du symbolisme de LignoSat flottant dans l’espace, il nous faut peut-être une nouvelle vision du développement durable. Une vision qui ne soit pas seulement technologique mais qui prenne en compte la réalité terrestre : celle des forêts qui ne cessent de se réduire et des écosystèmes en danger. Si la science et l’ingénierie sont appelées à faire progresser la mobilité spatiale, aérienne et terrestre, elles doivent également se garder de tomber dans la facilité, en exploitant de manière insensée un matériau aussi précieux que le bois.