Dans l’histoire de la simplification administrative, certains noms demeurent gravés pour avoir marqué un tournant, comme celui du préfet Poubelle qui a donné son nom aux récipients contenant les déchets ménagers. Aujourd’hui, le ministre Bruno Le Maire semble vouloir accéder à une forme de postérité avec son « bulletin de paie simplifié », mais pour beaucoup, il risque plutôt de finir aux ordures ménagères.
Réduire un bulletin de paie d’une cinquantaine à une quinzaine de lignes peut sembler être une avancée, mais derrière cette prétendue simplification se cache une idéologie ultralibérale. En remplaçant la rémunération brute de base par le « coût total employeur », le ministre met en avant le fameux « coût du travail », occultant ainsi le détail des cotisations versées pour les différentes branches de la Sécurité sociale et à l’assurance-chômage. Ces cotisations représentent pourtant des conquêtes sociales et des droits pour les salariés.
La question qui se pose alors est la suivante : comment les salariés peuvent-ils connaître le montant des cotisations versées en leur nom et vérifier qu’il est conforme ? Comment peuvent-ils connaître celui des exonérations dont leur employeur a bénéficié ? La réponse semble être que le salarié devra le demander à son employeur, comme l’indique ironiquement « Bruno Demande ».
Cette simplification administrative n’en est pas une pour les services comptables qui devront jongler avec ces nouveaux formats. Elle semble surtout être une manière de rendre invisibles les droits sociaux acquis par les salariés au fil des années. En mettant en avant le « coût du travail », le gouvernement risque de faire passer au second plan l’importance des cotisations sociales qui permettent de financer la solidarité nationale.
Alors que Bruno Le Maire clame fièrement que c’est une « vraie révolution », pour beaucoup, il s’agit davantage d’un recul social, d’une manière de détourner l’attention des véritables enjeux de notre système. En effet, plutôt que de simplifier, ce « bulletin Le Maire » semble complexifier la compréhension des droits sociaux des salariés, les laissant dans l’ombre des calculs obscurs de la comptabilité gouvernementale.