En ces temps de bouleversements technologiques et de crises multiples, il devient difficile de se projeter dans l’avenir sans être pris de vertige. Comment anticiper ce qui nous attend, alors même que le présent semble déjà si incertain ? C’est là qu’intervient une discipline nouvelle, mais qui a déjà trouvé sa place : le design fiction.
Imaginez un monde où des scénaristes ne se contentent pas de rêver l’avenir, mais où ils participent activement à façonner des stratégies pour demain. Ce monde, c’est celui du design fiction, une discipline qui allie la rigueur de la prospective à la liberté créative de la science-fiction. Il s’agit de concevoir des futurs possibles – parfois étonnants, parfois inquiétants – pour aider à mieux comprendre et anticiper les enjeux de demain. Car, après tout, comment résoudre un problème qu’on n’a pas encore su identifier ?
Prenons un exemple : la Red Team, cette initiative du ministère des Armées, qui réunit des auteurs de science-fiction pour imaginer des scénarios d’avenir, notamment pour anticiper des menaces militaires. C’est ici qu’on comprend tout l’intérêt de la démarche : loin d’être une simple distraction intellectuelle, le design fiction permet de préparer des réponses concrètes à des situations qui, pour le moment, n’existent que dans l’imaginaire collectif.
Si l’armée peut faire appel à des écrivains pour imaginer des conflits liés à l’espace ou à des implants technologiques, pourquoi les entreprises ne pourraient-elles pas en faire autant pour se préparer aux défis économiques, écologiques ou sociaux à venir ?
Le rêve comme moteur d’innovation
Mais le design fiction ne se contente pas de bâtir des scénarios de fin du monde. Non, il offre aussi la possibilité de rêver un avenir meilleur, un avenir où les nouvelles technologies sont au service du bien-être humain, où la transition énergétique est réussie et où les rapports sociaux sont réinventés. Ce n’est pas pour rien que des entreprises comme Hermès ou MATMUT commencent à se tourner vers ces créateurs d’univers fictifs pour imaginer de nouveaux produits ou de nouvelles formes de gouvernance. Ces entreprises ont compris que l’innovation ne se nourrit pas uniquement de l’analyse de données, mais aussi de l’imaginaire.
C’est là que le design fiction fait toute sa différence. En utilisant la science-fiction comme un outil stratégique, il permet de se projeter dans des futurs souhaitables tout en tenant compte des contraintes réelles de la société. Le but n’est pas de sombrer dans des délires futuristes, mais bien d’élargir le champ des possibles en imaginant des solutions inédites à des problèmes existants. Et pour cela, les « rêveurs » d’aujourd’hui sont essentiels.
L’institutionnalisation de l’imaginaire
Dans cette quête de futurs plus réfléchis, les universités et les écoles commencent à intégrer le design fiction dans leurs formations. Ce sont les jeunes diplômés de demain qui devront, à leur tour, puiser dans les ficelles de la science-fiction pour inventer des modèles économiques, sociaux et écologiques résilients. En étudiant des œuvres comme Dune ou Black Mirror, ils apprendront à naviguer entre le probable et le possible, entre le plausible et le souhaitable. Un véritable exercice de décryptage où la fiction devient non seulement un miroir de la société, mais un levier pour la transformer.