Le rideau rouge se lève sur un spectacle qui détonne, dérange et fascine. Le Grand Macabre, l’opéra subversif de György Ligeti, a récemment pris d’assaut la scène du Théâtre Massimo à Palerme, suscitant une avalanche de réactions. Connu pour sa nature provocante et son esprit anti-conformiste, cet « anti-opéra » a trouvé à Palerme une scène à la hauteur de sa réputation. Nous y étions.
Commandé par l’Opéra de Stockholm et créé en 1978, Le Grand Macabre puise son inspiration dans la pièce La Balade du Grand Macabre de Michel de Ghelderode. Entre humour noir, grotesque et absurde, György Ligeti transforme le genre opératique en un théâtre du chaos.
Salvatore Punturo, chef d’orchestre et maître de chœur de cette production, décrit l’œuvre comme « un bordel extrêmement organisé ». Une formule qui semble capturer l’essence même de ce spectacle où la musique, la mise en scène et les personnages évoluent dans un désordre orchestré.
Les personnages aux noms évocateurs — Piet le Pot, Nekrotzar, Clitoria et Spermando — incarnent un monde à la fois incohérent et effrayant. Ici, l’apocalypse se boit à grandes gorgées de vin, et les conventions tombent sous le poids de la satire.
Un pastiche moderne et un hommage au passé
Ce que György Ligeti propose avec Le Grand Macabre, c’est une réinvention de l’opéra. Salvatore Punturo, chef d’orchestre renommé, qualifie l’œuvre de « pastiche ultra-moderne ». György Ligeti joue avec les codes, multipliant les références aux opéras classiques tout en les subvertissant.
La célèbre ouverture, un choral de klaxons, évoque par exemple l’Orfeo de Monteverdi, mais dans une version détournée et chaotique. Ici, György Ligeti brise les frontières traditionnelles. La voix humaine devient un instrument à part entière, explorant cris, murmures et interjections.
Une apocalypse burlesque dans un monde absurde
Dans le monde fictif de Breughelland, le spectateur suit les aventures surréalistes de Nekrotzar, Le Grand Macabre. Entre la prédiction d’une apocalypse et les déboires d’un prince infantile, le scénario joue sur des contrastes saisissants. Les thèmes graves — la mort, la fin du monde — sont traités avec une légèreté mordante.
Le chaos musical culmine dans la Passacaille finale, un chef-d’œuvre de polyrythmie où les instruments semblent évoluer indépendamment dans l’espace sonore. Salvatore Punturo souligne ici « une avancée dans un paysage sonore peuplé de personnages musicaux décalés ».
Un avis partagé
Depuis sa première, Le Grand Macabre divise. À Palerme, le public a oscillé entre fascination et enchantement face à cette œuvre complexe. Pour certains, l’opéra est une brillante satire de la condition humaine ; pour d’autres, il flirte dangereusement avec le non-sens.
Mais n’est-ce pas là la force de György Ligeti ? En secouant les conventions, il invite à une réflexion profonde sur l’art et le sens même de l’existence. Avec des performances remarquables — notamment celles de Zachary Altman (Nekrotzar) et Dan Karlström (Piet le Pot) — cette production au Théâtre Massimo de Palerme est un triomphe pour les amateurs d’avant-garde. Âmes sensibles, prenez garde. Ici, rien n’est sacré, et tout est permis.
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