Au moins 24 attaques de navires marchands ont eu lieu en mer Rouge depuis mi-novembre, selon l’armée américaine. En conséquence, les navires prennent une autre route maritime, plus longue, et les compagnies augmentent leurs tarifs, ce qui risque d’entraîner des répercussions sur le prix des produits.
Les attaques de navires marchands en mer Rouge se multiplient ces dernières semaines et font craindre une hausse du prix des produits transportés jusqu’en Europe. Elles sont menées par les rebelles Houthis du Yémen, qui veulent freiner le trafic maritime pour afficher leur « soutien » à Gaza, l’enclave palestinienne bombardée par Israël depuis les massacres du 7 octobre perpétrées par le Hamas.
Pour éviter de passer par la mer Rouge, au moins 18 compagnies de transport maritime ont décidé ces dernières semaines d’emprunter une autre route maritime, en contournant le continent africain. Cette route est plus longue et les transporteurs ont annoncé en conséquence une augmentation de leurs tarifs de fret, ce qui faire craindre des répercussions sur le prix des produits.
Des attaques en « soutien » à Gaza
Les Houthis sont un groupe politique armé actif au Yémen. Ils sont en guerre contre le gouvernement yéménite depuis 2014 et contrôlent des pans entiers du territoire, dont la capitale Sanaa. Les Houthis sont soutenus par l’Iran, ennemi juré d’Israël, et par le Hamas palestinien. Dans la foulée de la guerre entre Israël et le Hamas, ils ont annoncé qu’ils viseraient des bateaux naviguant en mer Rouge et ayant des liens avec Israël, en représailles aux bombardements sur Gaza.
Au moins 24 attaques ont eu lieu depuis mi-novembre, selon le Commandement militaire américain au Moyen-Orient (Centcom). La dernière revendiquée date de mardi soir, quand des rebelles Houthis ont mené une « opération » contre un navire du transporteur français CMA CGM. Ces attaques sont opérées avec des drones et des missiles, des membres d’équipage sont parfois pris en otage. Selon les États-Unis, les missiles « proviennent très clairement d’Iran », une accusation rejetée par la République islamique.
Une zone stratégique
Les attaques sont menées près du détroit de Bab al-Mandeb, qui sépare la péninsule arabique de l’Afrique. Il s’agit d’une zone stratégique, qui voit passer 12% du commerce maritime mondial. C’est par ce détroit que les navires passent pour effectuer des liaisons commerciales entre l’Asie ou les pays du Golfe et la Méditerranée. Ils transportent des produits manufacturés mais aussi des hydrocarbures.
De nombreux États sont donc attachés à la libre circulation des navires dans cette zone et plusieurs d’entre eux ont dépêché des moyens sur place pour sécuriser la route maritime. Des navires de guerre américains, français et britanniques patrouillent dans la zone et ont abattu plusieurs missiles et drones utilisés par les Houthis. Dimanche dernier, l’armée américaine a annoncé avoir coulé trois navires des Houthis, après des attaques contre un porte-conteneurs du transporteur danois Maersk. Dix rebelles ont été tués dans cette frappe, selon un porte-parole du mouvement.
Mercredi, une coalition de pays a aussi exhorté les Houthis à cesser « immédiatement leurs attaques illégales ». « Notre message doit être clair : nous demandons l’arrêt immédiat de ces attaques illégales et la libération des navires et des équipages détenus illégalement », a affirmé cette coalition de 12 pays dans un communiqué diffusé par la Maison Blanche.
« Les Houthis devront porter la responsabilité des conséquences s’ils continuent à menacer des vies, l’économie mondiale et la libre circulation du commerce dans les voies navigables essentielles de la région », ajoute le texte, signé par les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne ou encore le Japon.
Dix-huit transporteurs contournent le détroit
Les compagnies de transport maritime ont elles aussi pris des dispositions pour éviter ces attaques et environ 18 d’entre elles ont décidé de contourner le continent africain pour éviter de passer par la mer Rouge, selon l’Organisation maritime internationale (OMI). Ces compagnies détournent leurs navires vers le cap de Bonne Espérance, au large de l’Afrique du Sud, ce qui rallonge le voyage d’une semaine environ entre l’Asie et l’Europe.
Parmi ces compagnies figurent l’armateur danois Maersk et le leader mondial italo-suisse MSC, qui ont interrompu temporairement tout passage en mer Rouge. L’allemand Hapag-Lloyd a lui annoncé maintenir la mesure au moins jusqu’au 9 janvier. CMA CGM de son côté fait de nouveau naviguer certains de ses bâtiments dans la région depuis le 26 décembre, mais déroute toujours une partie de sa flotte vers le cap de Bonne Espérance.
Augmentation des tarifs de fret
Ces attaques entraînent des conséquences sur les tarifs de fret. CMA CGM a par exemple annoncé le quasi doublement de ses tarifs à partir du 15 janvier pour les échanges entre l’Asie et la Méditerranée pour compenser l’allongement du trajet de ses navires. MSC, a lui aussi augmenté ses tarifs le 1er janvier.
Cela risque, par ricochet, d’augmenter le prix de certains produits et de poser des problèmes d’approvisionnement. Ikea, par exemple, prévoit de possibles retards de livraison de certains produits, voire leur absence dans les rayons. « Ces questions logistiques compliquent les chaînes d’approvisionnement, augmentent les coûts de transports, donc de production et de vente des produits et biens de consommation courante dans nos magasins. Cela pousse les économistes à envisager une poursuite durable de l’inflation… en tout cas un ralentissement de la hausse des prix beaucoup moins rapide que prévu. »