La scène politique française et internationale semble, ces derniers jours, s’animer de sons de cloches bien distincts. En France, Emmanuel Macron et Stéphane Séjourné, son fidèle lieutenant, ont fait entendre leurs voix sur différents sujets, mais un autre son, tout aussi audible, se fait désormais entendre en provenance de Matignon. Un proche du Premier ministre a ainsi soufflé : « En réponse aux deux cloches que sont Emmanuel Macron et Stéphane Séjourné », ajoutant malicieusement, en référence au célèbre slogan de Pathé Marconi : « Séjourné, c’est un peu la voix de son maître ! ».
Depuis son accession à la présidence en 2017, Emmanuel Macron a voulu incarner une figure jupitérienne, distante et solennelle, au-dessus de la mêlée. Pourtant, cet idéal semble aujourd’hui bien loin de la réalité. Il n’est pas rare d’entendre des critiques sur ses interventions intempestives, voire injurieuses, à l’égard de la fonction présidentielle elle-même. Entre ses postures grandiloquentes, ses tirades condescendantes envers les dirigeants africains, ou encore ses écarts notables lors d’événements sportifs internationaux comme la Coupe du monde de football ou les Jeux olympiques, Emmanuel Macron a régulièrement franchi la ligne entre l’autorité présidentielle et l’autodérision.
Ces manquements, à la fois en France et à l’étranger, ont provoqué un certain embarras pour ceux qui, au sein de l’État, tentent encore de maintenir l’image de la France sur la scène internationale. De nombreux diplomates en coulisse ne cachent plus leur scepticisme quant à la stature présidentielle de président de la République, à l’heure où la diplomatie française semble reléguée en deuxième division. Un constat amer que peu osent dire publiquement, mais qui devient de plus en plus difficile à ignorer.
Pendant ce temps, à l’autre bout de la scène géopolitique, une autre voix retentit avec force. Sergei Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, a pris la parole devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 septembre dernier, et ses mots ont eu un impact bien au-delà des murs feutrés de l’institution. Serguei Lavrov, figure austère et impassible, a livré un discours empreint de calme et de gravité, contrastant fortement avec la rhétorique souvent dispersée d’Emmanuel Macron.
De nombreux observateurs n’ont pas manqué de souligner l’écart entre la prestance de Lavrov et celle de Macron. Là où le président français semble parfois osciller entre légèreté et provocation, Sergei Lavrov s’impose avec une sobriété glaçante. Ses propos, qu’on les approuve ou non, ont une portée internationale indéniable. Il a rappelé que la Russie, malgré le conflit en Ukraine, privilégie encore et toujours la voie de la négociation. Un message de fermeté, certes, mais aussi de paix, dans une époque où les tensions mondiales atteignent des sommets inquiétants.
Entre deux mondes : l’Occident en déclin
L’intervention de Sergei Lavrov met aussi en lumière un fait que beaucoup commencent à accepter. La France, et plus largement l’Europe, ne jouent plus le rôle de leader sur la scène mondiale. La montée des BRICS – cette alliance économique et politique composée du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud – modifie profondément les équilibres internationaux. Ce groupe cherche à créer un monde multipolaire, où l’influence traditionnelle des puissances occidentales, en particulier des États-Unis et de leurs alliés européens, est contestée.
Face à cette montée en puissance, la diplomatie française, et par extension européenne, semble manquer de souffle. Emmanuel Macron, en voulant incarner le renouveau d’une Europe unie et puissante, se heurte à la dure réalité d’un monde qui échappe progressivement aux anciennes alliances. Pendant que Sergei Lavrov rappelle la position de la Russie sur la scène internationale avec une froide efficacité, Emmanuel Macron, lui, semble jouer une partition où l’Europe s’efface doucement.
Un dialogue de sourds ?
Alors que les relations entre l’Occident et la Russie continuent de se tendre, il est surprenant de voir à quel point le dialogue semble rompu. Sergei Lavrov, dans son discours, a certes adressé des critiques sévères à l’OTAN et aux États-Unis, accusés de perpétuer un impérialisme agressif, mais il a aussi tendu la main pour une possible négociation. En réponse, les leaders occidentaux, tout en poursuivant leur rhétorique belliqueuse, ont fait un curieux rétropédalage. Les États-Unis ont ainsi nié vouloir fournir à l’Ukraine des armes capables de frapper le territoire russe, un revirement qui montre bien que l’escalade guerrière, bien qu’inquiétante, n’est pas irrémédiable.
Mais au-delà de ces échanges parfois contradictoires, une question demeure : les cloches qui sonnent aujourd’hui, qu’elles viennent de Paris ou de Moscou, peuvent-elles encore s’entendre ? Le discours ferme de Sergei Lavrov et les réponses hésitantes des leaders occidentaux montrent à quel point le fossé entre ces deux mondes est large. Pourtant, il est impératif de rétablir un dialogue, aussi difficile soit-il.
L’Europe ou la fin des illusions
En France, le son de cloche de Matignon, bien qu’ironique, traduit peut-être une lassitude face à l’image affaiblie d’Emmanuel Macron sur la scène mondiale. Pendant ce temps, à l’international, Sergei Lavrov continue de faire entendre la voix de la Russie, rappelant que le monde ne se résume plus aux décisions des puissances occidentales. L’Europe, à travers ses dirigeants, semble vivre dans une illusion d’influence, alors que l’équilibre mondial se déplace inévitablement vers d’autres horizons.
Peut-être est-il temps d’écouter tous ces sons de cloche, aussi discordants soient-ils, pour comprendre le véritable état du monde dans lequel nous vivons. La paix ne naît pas d’un monologue, mais d’un échange, et aujourd’hui plus que jamais, ces échanges sont nécessaires.