Effet de bord de la politique de transfèrement des détenus guadeloupéens vers la métropole, les membres des gangs de l’île profitent de leur incarcération en France pour nouer des alliances avec les dealers de cité puis s’implantent dans les grandes villes à leur sortie de prison.
Les « Chien Lari » de Baie-Mahault et les « Sektion Kriminel » de Pointe-à-Pitre font des petits en… métropole. Ces deux gangs criminels ultraviolents, spécialisés dans les trafics d’armes et de stupéfiants, qui sévissent depuis le début des années 2000 en Guadeloupe, « étendent leur influence en métropole », selon une note du renseignement que nous nous sommes procuré.
Si ces gangs ont pu arriver jusqu’à Paris, Toulouse, Montpellier ou encore la région bordelaise, c’est grâce, entre autres, à la politique de transfert des détenus ultramarins vers la métropole. Pour couper les liens entre les différents clans et éviter les règlements de compte derrière les barreaux, l’administration pénitentiaire a décidé d’isoler les cadres de ces différents gangs dans des prisons de l’Hexagone. Non sans parfois essuyer de vives critiques de la part des familles de détenus qui ne pouvaient alors plus rendre visite aux prisonniers.
Effet de bord de la « métropolisation » des détenus ultramarins
Or, notent les policiers, cette « métropolisation » est l’occasion pour les gangs de nouer des alliances avec d’autres criminels, spécifiquement avec les narcotrafiquants, eux aussi, incarcérés. De sorte qu’une fois sortis de prison, les membres de ces gangs guadeloupéens se sont constitué un bon réseau de revendeurs en métropole.
Ils s’installent pour échapper à la pression policière, retourner dans une forme de clandestinité puis s’attachent à faire le relais avec leur gang antillais pour acheminer la drogue jusqu’aux réseaux de revente de l’Hexagone.
Liens avec les milieux indépendantistes
La particularité de ces gangs guadeloupéens est qu’ils ont souvent, en apparence, une vitrine légale : production musicale, discothèques, groupes de musique, marque de vêtement. Mais plusieurs enquêtes ont démontré que certains d’entre eux avaient pénétré la vie publique locale en Guadeloupe. Plusieurs leaders de gangs ont tissé des liens avec les milieux indépendantistes et ont pris une part active fin 2021 dans les violences urbaines qui ont embrasé l’île.
Selon les estimations de la police, il y aurait aujourd’hui plus d’un millier de membres de ces différents gangs guadeloupéens. Dont la moitié appartient principalement aux gangs des « Chien Lari » et des « Sektion Kriminel ». Ces deux principales bandes, dont les affiliés se reconnaissent aux vêtements de couleur qu’ils portent et aux tatouages, se sont livrés une vendetta sanglante pendant plusieurs années. Avant de s’accorder sur une trêve en 2016, puis une alliance en 2020. Désormais, les deux groupes s’attachent à développer leurs activités criminelles de concert, afin de les rendre encore plus lucratives.