Le 17 octobre dernier, une scène qui aurait dû être routinière a pris une tournure très inattendue. Emmanuel Macron, à l’issue du Conseil européen de Bruxelles, a confronté les journalistes avec une véhémence qui n’a laissé personne indifférent. Ce n’était pas seulement une conférence de presse. C’était un moment de tension, où le président de la République, loin de son rôle habituel de maître du verbe et du contrôle, a laissé percer une frustration palpable.
Mais qu’est-ce que cette colère révèle vraiment ? Est-ce un pétage de plombs comme certains l’affirment, ou une mise en scène calculée, fidèle à ce que certains appellent le « style Macron » ?
Le président a longuement fustigé la presse pour avoir relayé des propos qu’il n’aurait pas tenus sur la création de l’État d’Israël. Ces mots, censés rester privés, ont été abondamment commentés dans les médias. Ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat s’en prend aux journalistes, les accusant de ne pas respecter les « règles de déontologie » et de « polluer le débat public ».
Mais au-delà des apparences, cette colère soulève une question plus profonde. Était-ce un coup de sang sincère ou une diversion orchestrée ? Dans un climat économique et social tendu, où le gouvernement prépare des mesures d’austérité qui risquent de frapper durement les Français, la sortie d’Emmanuel Macron pourrait bien être une tentative de déplacer l’attention. Pendant que les projecteurs sont braqués sur sa relation avec la presse, les véritables enjeux – comme la situation économique désastreuse – passent au second plan.
Emmanuel Macron est passé maître dans l’art de manipuler les narrations médiatiques. Il sait pertinemment que ce genre de moment suscite des réactions passionnées, offrant ainsi une diversion idéale. En jouant la carte de la victime d’une presse « déformante », il réussit à détourner la colère populaire des véritables problèmes du pays.
L’inversion accusatoire, arme préférée ?
Ce n’est pas la première fois que le locataire de l’Elysée utilise ce qu’on pourrait appeler la « stratégie de l’inversion accusatoire ». À maintes reprises, il a su se poser en victime des critiques, retournant habilement la situation à son avantage. Lors de cette conférence, il a dénoncé les journalistes pour avoir sorti ses propos de leur cadre, affirmant qu’il ne voulait plus se retrouver à devoir « démentir des propos sortis de leur contexte ».
Pourtant, n’est-ce pas le même Emmanuel Macron qui a fait des déclarations fracassantes ces dernières années, des phrases comme « J’ai très envie d’emmerder les non-vaccinés » ou encore « Les gens qui ne sont rien » ? Des mots qui, eux aussi, ont suscité l’indignation mais qui sont bien sortis de la bouche du chef de l’État, sans ambiguïté.
Ce jeu de dupes, où la victime présumée devient le bourreau médiatique, semble être une constante dans la manière dont Emmanuel Macron gère ses crises. Il utilise la presse comme un bouc émissaire, tout en s’assurant de contrôler la narration en coulisses. La « déontologie » qu’il invoque sonne alors comme une leçon paternaliste donnée à des journalistes qui n’ont fait que rapporter des fuites que, bien souvent, le Président lui-même orchestre.
Un président face à son isolement
Ce qui frappe dans cet épisode, c’est le décalage entre les préoccupations réelles des Français et les obsessions médiatiques de leur président. Alors que le pays traverse une crise économique sévère, où les difficultés se multiplient, Emmanuel Macron semble plus préoccupé par son image que par les solutions à apporter à ses concitoyens.
Son irritation contre les journalistes traduit un sentiment d’isolement grandissant. Le président de la République, autrefois en phase avec une grande partie de la population, semble de plus en plus déconnecté des réalités quotidiennes. Le chiffre de 3 % d’approbation quant à la direction qu’il donne au pays en dit long. Un président isolé, c’est un président vulnérable, et cette fragilité s’exprime de manière de plus en plus visible.
L’épisode de Bruxelles n’est qu’un symptôme d’une présidence qui vacille sous le poids de ses propres contradictions. Emmanuel Macron, qui s’était promis de redonner solennité et respect à la fonction présidentielle, a progressivement glissé dans une posture d’autodéfense permanente, loin de ses promesses initiales.
À l’avenir : silence ou nouveau caprice ?
Lors de sa tirade, Emmanuel Macron a menacé de ne plus faire de « propos publics » si la presse continue à déformer ses mots. Une déclaration qui semble à la fois irréaliste et révélatrice de l’état d’esprit d’un président qui se sent acculé.
Mais peut-on réellement croire qu’il restera silencieux ? Probablement pas. Car si Emmanuel Macron maîtrise une chose, c’est bien l’art de la communication et du rebondissement. À chaque crise, une nouvelle colère, un nouveau discours, une nouvelle tentative de repositionnement.
Cependant, le véritable danger pour lui est que le public se lasse de ce spectacle navrant et répétitif. Si les colères présidentielles deviennent une habitude, elles risquent de perdre leur impact, et de n’être perçues que comme des gestes désespérés d’un homme politique à bout de souffle.