Devant les élus de l’Assemblée de l’île, le chef de l’Etat a ouvert jeudi la voie à des demandes des élus nationalistes. Mais le chemin est encore long avant l’inscription de la Corse dans la Constitution, qu’il a promise.
Une autonomie pour la Corse et dans la République ». Ce jeudi à Ajaccio, devant les élus de l’Assemblée de Corse, où il s’exprimait pour la première fois, Emmanuel Macron a ouvert la voie aux demandes des élus nationalistes de l’île, majoritaires dans cette assemblée. Présent en Corse pour célébrer le 80e anniversaire de la Libération de l’île, le président de la République était surtout venu clôturer dix-huit mois de négociations sur la question de l’autonomie, sujet sur lequel il était plus qu’attendu.
Avant le discours présidentiel, Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse, et Gilles Simeoni, président du conseil exécutif, avaient rappelé les enjeux. La première avait évoqué la nécessité d’« emprunter une voie nouvelle pour sortir de l’ombre et entrer dans la lumière », le second avait souhaité voir s’ouvrir « le chemin de l’espoir et de la paix ». Preuve que la situation est aujourd’hui plus apaisée politiquement après plusieurs épisodes de forte tension, le drapeau tricolore avait été ajouté aux drapeaux corse et européen dans l’hémicycle de l’Assemblée.
Discussions relancées depuis mars 2022
« Je souhaite que la Corse bénéficie d’un cadre lui permettant de définir certaines normes et de mieux en adapter d’autres », a précisé Emmanuel Macron, voulant « rendre plus simple et plus effectif le droit d’adaptation et le droit d’habilitation ». Il souhaite également que la collectivité puisse déterminer ses propres normes sur certains dossiers.
Les discussions entre Paris et les élus corses avaient été relancées en mars 2022 dans un contexte de crise après l’assassinat d’Yvan Colonna à la prison d’Arles. Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, s’est rendu sur place à plusieurs reprises tout en donnant des gages, notamment sur la question des prisonniers.
« Pas de ligne rouge »
En juillet, l’Assemblée de Corse a franchi une étape décisive en adoptant, à une écrasante majorité, une délibération définissant les contours de l’autonomie souhaitée. En réitérant ses revendications, comme la reconnaissance du peuple corse, la co-officialité de la langue ou le statut de résident, autant de marqueurs forts du nationalisme corse, le texte avait aussi franchi les lignes rouges historiques de l’exécutif français.
Dans son discours, Emmanuel Macron n’a évidemment pas repris ces propositions, mais il a promis des avancées sur le bilinguisme ou la question du foncier, cruciale sur l’île. Concrètement, il a donné six mois aux élus corses pour se mettre d’accord sur un texte encadrant cette autonomie. « Il n’y a pas de ligne rouge » pour construire cet accord, a-t-il assuré. Ce qui a satisfait les nationalistes.
« Tout reste à faire »
Les élus corses ont majoritairement salué l’ouverture d’Emmanuel Macron. « Ce sont des mots importants qui ont été prononcés aujourd’hui, même si ce n’est pas la délibération du 5 juillet, et c’est la première fois qu’un président de la République les prononce devant une Assemblée de Corse », s’est félicité le député Jean-Félix Acquaviva. Ils restent toutefois prudents. « Le président de la République a créé les conditions pour que la deuxième partie du processus puisse s’ouvrir dans de bonnes conditions », a réagi de son côté Gilles Simeoni, qui estime que s’il y a une « ouverture », « tout reste à faire ».
L’accord doit aboutir à une réforme constitutionnelle puis à une loi organique et se traduire par une inscription de la Corse dans la Constitution. « Je suis favorable à ce que les spécificités de la communauté insulaire corse soient reconnues dans la Constitution au sein d’un article propre, celle d’une communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle », a dit Emmanuel Macron.
L’écueil de la réforme constitutionnelle
Le chemin sera encore long jusqu’à l’adoption définitive d’une telle réforme sur l’autonomie de la Corse. Les élus corses devront d’abord se mettre d’accord entre eux, ce qui n’est pas acquis tant les nuances entre autonomistes et indépendantistes sont fortes. Certains sont sur une ligne « dure » incompatible avec les limites fixées par Paris.
De plus, toute réforme constitutionnelle nécessite l’approbation des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès. Par essence, une révision de la Constitution est compliquée à mener. Emmanuel Macron l’a appris à ses dépens au cours de son premier mandat, n’ayant jamais pu finaliser le projet lancé après son accession à l’Elysée.
« Demain, c’est une modification de la Constitution qui est devant nous, et donc le rassemblement du Sénat et de l’Assemblée nationale aux deux tiers, ce qui n’est pas évident chacun le sait, et donc qui exige des rencontres, des concessions et un consensus », a réagi depuis Ajaccio Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons à l’Assemblée.