Nommé Premier ministre le 5 septembre dernier, Michel Barnier n’a pas encore réussi à former son gouvernement. Pourtant, déjà, il adresse un message clair et sans équivoque aux Français : la situation économique est grave, et il faudra s’attendre à des sacrifices.
Le ton est alarmiste. Et il n’est pas sans rappeler celui de François Fillon en 2007, lorsque celui-ci avait lâché son célèbre « La France est en faillite ». Mais derrière cette déclaration choc se cache une réalité politique bien plus complexe : Michel Barnier n’est pas en train de se battre uniquement contre une situation budgétaire tendue, il se bat aussi, et peut-être surtout, pour trouver un consensus politique qui semble lui échapper.
La formation du gouvernement Barnier est une entreprise quasi-impossible. L’ancien négociateur du Brexit doit composer avec une majorité fragmentée, où les ambitions personnelles et partisanes font obstacle à l’intérêt général. D’un côté, les Républicains (LR), qu’il doit amadouer en leur offrant des postes-clés ; de l’autre, les macronistes, qui refusent de se voir relégués au second plan après avoir tenu les rênes pendant sept ans. Et entre les deux, un Premier ministre qui n’a pas été élu sur un programme, qui n’a pas fait campagne pour ces législatives, et qui doit pourtant en assurer l’issue.
La tâche est d’autant plus ardue que les personnalités en jeu sont parmi les plus clivantes du paysage politique français. Gabriel Attal et François Bayrou, représentants de la jeune garde macroniste, peuvent-ils vraiment se retrouver aux côtés de Laurent Wauquiez à l’Intérieur ou de Bruno Retailleau à Bercy ? Ces deux figures de la droite dure ont passé les dernières années à démolir les réformes du gouvernement, et maintenant, on attendrait des macronistes qu’ils les rejoignent sans broncher ? L’idée même semble surréaliste.
Michel Barnier envisage d’augmenter les impôts : « Si c’est confirmé et si ça se traduit dans le projet de loi de finances, je m’y opposerai de toutes mes forces et par tous les moyens », affirme @eciotti, dans #OMSLT avec @Cyrilhanouna sur #Europe1. pic.twitter.com/uLTp9qUHzK
— Europe 1 (@Europe1) September 17, 2024
Le nœud du problème est là : ce n’est pas seulement une affaire de postes ou de personnalités, c’est avant tout un flou complet sur la direction politique que ce gouvernement devrait prendre. Michel Barnier, figure consensuelle mais déconnectée de la dernière campagne électorale, n’incarne aucune vision claire. En le nommant à Matignon, Emmanuel Macron a placé tous les partis dans une situation inédite. Ils sont appelés à travailler ensemble sous la houlette d’un homme qui ne représente aucun projet politique précis. La question que tout le monde se pose est donc simple : sur quelle base Michel Barnier va-t-il gouverner ?
Les macronistes ne veulent pas d’un retour en arrière vers une droite traditionnelle qui renoncerait aux acquis de leurs réformes. Les LR, eux, espèrent précisément une rupture avec le « macronisme » qu’ils dénoncent depuis des années. Michel Barnier, lui, semble piégé entre ces deux forces contraires, cherchant un chemin médian qui, pour l’instant, reste invisible.
Un coup de semonce pour faire plier les partenaires ?
Face à ces blocages, la déclaration de ce 18 septembre prend tout son sens. En évoquant la gravité de la situation budgétaire, Michel Barnier envoie un message clair à tous ceux qui espèrent encore faire pression sur lui pour obtenir plus de pouvoir ou d’influence. Il leur dit en substance : il n’y a plus de temps pour les querelles partisanes, le pays est au bord du gouffre, et il faudra accepter des mesures impopulaires, y compris des hausses d’impôts ou des coupes budgétaires.
Cette stratégie du « coup de semonce » vise à ramener les partenaires à la raison, et à faire comprendre que si chacun campe sur ses positions, il n’y aura ni gouvernement, ni solution à la crise économique qui se profile. En d’autres termes, Michel Barnier demande à ses partenaires politiques de choisir l’intérêt général, ou leurs ambitions personnelles.
Une coalition est-elle possible ?
Pour l’instant, rien n’est moins sûr. Les négociations semblent au point mort, et les ultimatums fusent de toutes parts. En jouant la carte de la gravité budgétaire, Michel Barnier espère certainement faire taire les querelles internes. Mais s’il n’y parvient pas rapidement, c’est la formation même de son gouvernement qui pourrait être remise en cause. Le Premier ministre a beau prôner la responsabilité, il n’est pas certain que les partis soient prêts à l’entendre.