Mardi soir, sur le plateau du 20H de TF1, Michel Barnier n’a pas fait dans la demi-mesure. Il n’a pas annoncé de grandes réformes ni dévoilé de plans d’urgence. Non, ce soir-là, le Premier ministre s’est plutôt transformé en prophète des temps modernes, agitant le spectre de l’effondrement économique. « Tempête », « turbulences », « taux d’intérêt proches de la Grèce » : il ne manquait plus que les cavaliers de l’Apocalypse pour compléter le tableau.
Mais ne nous y trompons pas. Derrière cette gravité solennelle, Michel Barnier joue une partition bien connue en politique. L’objectif ? Faire peur pour éviter de sombrer. Rien de tel qu’une bonne vieille mise en garde sur les marchés financiers pour rappeler à tout le monde qu’il vaut mieux un mauvais budget que pas de budget du tout. Après tout, « c’est pas moi, c’est la crise », un classique intemporel.
Si la situation est si dramatique, pourquoi Barnier tend-il encore la main à tout le monde ? « Nous entendons les collectivités locales », « nous protégeons les petites retraites », a-t-il égrené, l’air de dire : regardez comme nous sommes à l’écoute. Une belle ouverture d’esprit… ou plutôt une gymnastique politique de haute volée. Traduction : on essaye de sauver ce qui peut l’être, en espérant que quelques concessions suffiront à calmer la tempête.
Mais ce n’est pas tout. Marine Le Pen maintient la pression. Et Matignon discute avec le Rassemblement. Imaginez, un gouvernement en pourparlers avec un parti qui, hier encore, promettait de tout renverser. « On ne se parle pas, mais on se comprend », semble être la devise du moment. Qui aurait cru que la politique française aurait un tel talent pour le surréalisme ?
Censure, le duel des égos ?
Pendant ce temps, Marine Le Pen savoure. Elle sait qu’elle a une carte majeure entre les mains, la censure. Ce serait la cerise sur le gâteau pour elle, le coup fatal pour Michel Barnier. Et pourtant, elle hésite. Pourquoi ? Parce que renverser le gouvernement pourrait aussi entacher son parti d’une image de bloqueur systématique.
Michel Barnier, lui, joue gros. Il le sait. Chaque mot de son intervention semblait dire : « Si je coule, je ne coulerai pas seul. » Une stratégie de l’avertissement collectif, où l’échec de son gouvernement deviendrait l’échec de tous, RN compris. Marine Le Pen veut-elle vraiment le chaos ? Pas sûr. La politique est un jeu d’équilibre où même ceux qui s’opposent finissent parfois par se tenir la main.
La Ve République en mode tragédie grecque
Alors, que reste-t-il ? Un gouvernement accroché à son budget comme à une bouée de sauvetage, un RN qui danse sur le fil de la censure et des marchés financiers en embuscade, prêts à punir le moindre faux pas. Et au milieu de tout cela, les Français, pris en otage dans ce théâtre politique où l’on jongle entre le tragique et l’absurde.