Une commission d’enquête du Sénat auditionne ce mardi 13 juin Mohamed Sifaoui, qui a bénéficié via une association de l’argent du «Fonds Marianne» lancé par Marlène Schiappa en 2021 pour lutter contre le séparatisme.
Où est passé l’argent du Fonds Marianne ? C’est à cette question que souhaite répondre une commission d’enquête du Sénat, qui auditionne ce mardi Mohamed Sifaoui, un expert médiatique de l’islamisme ayant bénéficié de cette dotation publique mise en place pour lutter contre le séparatisme.
Lancé par Marlène Schiappa à la suite de l’assassinat de Samuel Paty, le Fonds Marianne devait «financer des personnes et associations qui vont porter des discours pour promouvoir les valeurs de la République et pour lutter contre les discours séparatistes». Mais l’utilisation du financement fait polémique.
Selon des révélations de presse, la principale bénéficiaire, à hauteur de 355.000 euros, serait l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), une association née à la fin du XIXe siècle. La mission confiée à l’USEPPM consistait «à déployer un contenu multimédia, un message positif de réenchantement des valeurs de la République», selon la convention de subvention consultée par France 2 et l’hebdomadaire Marianne.
Des salaires qui posent question
Cependant, l’argent n’aurait servi qu’à alimenter un site internet et des publications très peu suivies sur les réseaux sociaux, ainsi qu’à salarier deux ex-dirigeants de l’USEPPM, dont Mohamed Sifaoui.
Des relevés bancaires obtenus par les journalistes montrent que «l’association aurait versé 120.000 euros aux deux responsables de la structure, Cyril Karunagaran et Mohamed Sifaoui. De nombreux salaires en leur direction : un peu moins de 3.100 euros net pour le premier, entre 3.280 et 3.500 euros net mensuels pour Mohamed Sifaoui. Tous deux, certains mois, étaient rémunérés deux à trois reprises», note France 2. Des sommes jugées pas en adéquation avec le travail produit.
«L’argent qui a été capté par l’association est un argent qui a servi principalement aux salaires des geeks – qui ont produit du contenu – et du contre-discours à travers des comptes visibles et d’autres du trolling», s’est défendu Mohamed Sifaoui.
Un expert de l’islamisme habitué des polémiques
Journaliste et écrivain d’origine algérienne, qualifié dans les médias d’expert des questions liées à l’islam radical, Mohamed Sifaoui s’est fait connaître avec des enquêtes choc, comme «J’ai infiltré un réseau terroriste», en 2003. Il a également fondé son propre magazine, «Contre-Terrorisme», en 2018.
Connu pour ses propos virulents contre l’islamisme, il avait notamment reproché à Latifa Ibn Ziaten, dont le fils fut assassiné par Mohamed Merah, de porter le voile. «Son voile est celui d’une idéologie, l’idéologie qui a tué son propre fils, en l’occurrence celle des Frères musulmans», avait-il déclaré. Des propos qui lui ont valu un procès, duquel il est sorti relaxé.
Habitué des propos polémiques, il avait déclaré en 2008 sur RMC que «la majorité des asiatiques que j’ai fréquentés n’a absolument rien à foutre de la communauté nationale. (…) Ils sont là pour gagner de l’argent», dans le cadre de la promotion de son livre-enquête «J’ai infiltré le milieu asiatique».
Ses tweets acerbes ont également provoqué de vives réactions, notamment quand il reprochait en 2015 à l’ex-otage de Daesh, Nicolas Hénin, «de n’avoir rien fait de sa vie sauf être pris en otage» ou quand il qualifiait en 2021 l’Algérie de «pays le plus raciste au monde».
Dir Com’ du Sco d’Angers
Sa carrière éclectique l’a mené jusqu’au football. En 2022, il intègre le SCO d’Angers en tant que directeur de la communication. Il entretient des relations compliquées avec la presse et les supporters, notamment en raison de sa gestion de l’affaire Abdel Bouhazama. Alors entraîneur, ce dernier avait défendu le joueur Ilyes Chetti, suspecté d’agression sexuelle, en déclarant : «C’est pas méchant, on a tous déjà touché des filles». Suite aux révélations de la presse, Mohamed Sifaoui avait balayé les accusations, dénonçant des «bobards».
Après le départ du club d’Abdel Bouhazama, un communiqué officiel du SCO d’Angers avait semblé minimiser la polémique, dénonçant «des propos sortis de leur contexte» qui relèvent «de la maladresse (plus) que de l’intention de banaliser une parole sexiste».