On se souvient du grand discours de la France sur la protection de l’environnement. De la loi Egalim de 2018 qui promettait d’interdire les pesticides dangereux, de protéger notre santé et nos sols. Mais dans les faits, derrière les belles intentions se cache une autre réalité. Nos substances interdites continuent de traverser les frontières, légalement, vers d’autres pays.
Cette semaine, CCFD-Terre Solidaire et l’institut Veblen ont déposé un recours devant le Conseil d’État pour tenter d’en finir avec ce paradoxe. Pourquoi ? Parce qu’en dépit de l’interdiction de vendre des pesticides interdits dans l’Union européenne, une faille réglementaire permet aux fabricants français de produire et d’exporter les substances actives dangereuses vers des pays moins stricts, où elles finissent dans les champs et, ironiquement, reviennent ensuite dans nos assiettes sous forme d’importations de fruits et légumes.
On marche sur la tête. La France juge ces pesticides toxiques pour sa propre population, mais accepte qu’ils soient utilisés ailleurs, souvent dans des pays aux normes de santé moins protectrices. C’est ce qu’on pourrait appeler une « exportation de risque ». Tout se passe comme si, en exportant ces substances, on expédiait aussi notre responsabilité, loin des regards, loin des débats.
Public Eye estime que 7 294 tonnes de ces substances controversées ont été exportées par la France en 2023. Derrière ces chiffres se cache une logique cynique, celle d’un commerce qui place ses profits avant la cohérence éthique et écologique. Ce que nous interdisons ici continue d’être produit, en respectant les nuances législatives, mais en piétinant ce qui devrait être un principe de base : ne pas nuire.
Alors, que faire ? Si le Conseil d’État accepte ce recours, la France pourrait aller plus loin dans l’interdiction, en incluant les substances actives dans le périmètre de la loi Egalim. Ce serait un pas vers une politique plus cohérente, où l’on assume que ce qui est jugé toxique pour nous l’est tout autant pour d’autres.
Mais pour l’instant, la question reste en suspens. Et pendant ce temps, des substances bannies en Europe continuent de quitter les usines françaises, pour un ailleurs qui en paiera le prix. En attendant des réponses, il reste à espérer que la France finira par aligner ses actions avec ses principes, et par réaliser que la santé humaine et environnementale ne connaît pas de frontières.