Après 45 années de fouilles minutieuses au cœur de la ville de Mexico, le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac dévoile une exposition exceptionnelle, explorant la cosmologie et les croyances d’un peuple longtemps appelé à tort « Aztèque ». Intitulée « Mexica. Des dons et des dieux au Templo Mayor », cette exposition offre une plongée extraordinaire dans une culture complexe et mystique, loin de nos repères occidentaux.
À l’entrée, le visiteur est immédiatement saisi par la présence imposante de Mictlantecuhtli, la divinité mexica de la mort. Cette effigie de 1,80 mètre, découverte dans la « Maison des Aigles » près du Templo Mayor, semble dominer l’espace de son regard féroce. Décharné, avec des griffes acérées et des organes pendants, ce dieu incarne une vision du divin qui contraste violemment avec l’idéal grec de beauté et de sérénité. Les artistes mexicas, avec une maîtrise inégalée de l’argile, ont capturé l’effroi et la puissance rituelle de cette figure mythologique, symbolisant le lien indissoluble entre les fidèles et leurs dieux exigeants.
L’exposition ne se contente pas de montrer des œuvres d’art spectaculaires, mais invite à comprendre une civilisation où la vie et la mort, l’humide et le sec, l’obscurité et la lumière, sont perçus comme complémentaires et interdépendants. « L’univers mexica se divise en trois grandes sphères : le monde céleste, la terre où nous vivons, et l’inframonde », explique Fabienne de Pierrebourg, commissaire de l’exposition. Cette cosmologie, fondée sur des dualités, est au cœur de la vision du monde des Mexicas, et elle est brillamment illustrée dans chaque artefact présenté.
Parmi les divinités exposées, Xipe Totec, le dieu associé à la guerre et à la croissance du maïs, suscite une fascination teintée d’horreur. Les rituels qui lui étaient dédiés, incluant l’écorchement des victimes sacrifiées, sont rappelés avec une précision qui laisse peu de place à l’imagination. Les effigies de ce dieu, bien que magnifiquement sculptées, ne peuvent être séparées de la brutalité des pratiques religieuses qui leur sont associées.
Pour autant, il serait réducteur de voir dans cette exposition une simple illustration d’un culte de la mort. La grandeur de Tenochtitlan, la capitale des Mexicas, est évoquée à travers une série d’artefacts qui témoignent du raffinement atteint par cette civilisation. Cependant, un léger regret subsiste : la muséographie ne parvient pas toujours à retranscrire l’ampleur et la beauté de cette cité qui comptait autrefois 200 000 habitants. Une contextualisation plus approfondie, intégrant les strates temporelles et la violence de la conquête espagnole, aurait peut-être permis de mieux saisir la splendeur de l’ancienne Tenochtitlan.
Toutefois, l’admiration reprend le dessus face au Codex Borbonicus, une œuvre rare prêtée par l’Assemblée nationale française. Ce manuscrit mésoaméricain du XVIe siècle, d’une longueur de quatorze mètres, dépeint avec une incroyable richesse de détails la complexité de la pensée mexica, entre cycles temporels et rituels sacrés. Une véritable merveille, emblématique de la profondeur intellectuelle de cette civilisation.
Enfin, l’exposition révèle une autre facette de la culture mexica à travers les 209 offrandes découvertes dans le Templo Mayor. Ces objets rituels, allant des couteaux en silex aux miroirs en obsidienne, en passant par des squelettes et des masques, dressent un portrait saisissant des pratiques religieuses et sacrificielles des Mexicas. Comme le souligne Steve Bourget, responsable des Collections Amériques au musée du quai Branly, « Nulle exposition ne saurait retranscrire l’effroi du moment rituel, la catharsis des cérémonies sacrificielles », mais celle-ci s’en approche avec une intensité rare.
L’exposition « Mexica. Des dons et des dieux au Templo Mayor » est à découvrir au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac jusqu’au 8 septembre 2024. Une occasion unique de plonger dans l’univers complexe et fascinant des Mexicas, et de redécouvrir une civilisation dont l’héritage continue de hanter l’histoire du Mexique.
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