Mercredi soir, à Bruxelles, une scène digne d’un thriller géopolitique s’est déroulé dans les salons feutrés de l’Otan. Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais – ou plutôt le « ministre de la guerre » version européenne – a réuni un parterre de puissants pour discuter de l’Ukraine. Car, après tout, rien ne dit « paix » comme un bon vieux sommet européen où les plus belliqueux de l’Union se donnent la main dans une danse effrénée autour du drame ukrainien.
Ce qui est frappant, dans cette réunion, c’est le contraste entre la gravité du sujet et le caractère absolument absurde de la situation. Depuis plus de mille jours, l’Ukraine souffre, les soldats se battent, et la population endure des souffrances inimaginables. Et que fait l’Europe ? Elle cause, discute, débat, parfois s’accorde sur des « prochaines étapes », parfois déclare que l’Ukraine doit obtenir une protection de l’Otan – un vœu pieux, bien sûr. L’adhésion de Kiev à l’Otan, pour sûr, ce sera pour demain. Mais pas tout de suite. En attendant, un président ukrainien qui implore des armes pour se défendre et un sommet européen où tout le monde essaie de masquer sa peur du géant américain qui s’apprête à revenir. Le grand Donald Trump, celui qui promet de mettre fin à la guerre en « 24 heures ».
Mark Rutte, donc, a réuni les « fervents » de la guerre. Ce sont eux, les champions de la ligne dure, qui veulent que l’Ukraine tienne bon, quitte à verser encore plus d’argent et d’armements dans cette marmite de souffrance. Il y a Giorgia Meloni, la cheffe de l’Italie, qui défend la ligne, et Donald Tusk, regard fatigué, comme si sa politique se noyait dans les sables mouvants de l’Europe. Et puis, il y a Olaf Scholz, le chancelier allemand qui, sous ses airs de technocrate apaisé, semble plus enclin à chercher une sortie que Mark Rutte à l’engager dans une guerre sans fin.
Mais le clou du spectacle, c’est évidemment sa majesté Emmanuel Macron ! Le président français devait être là, bien sûr, mais une « urgence » l’a envoyé à Mayotte, dans un archipel ravagé par un cyclone. Hasard ou coup de chance ? Après tout, parler de guerre et d’Ukraine n’est peut-être pas le sujet idéal pour un président qui, après son entretien avec Donald Trump lors de l’inauguration de Notre-Dame, semble hésiter entre une approche pragmatique et une approche de plus en plus isolée. La vraie question, c’est : que peut-on encore négocier, quand tout le monde commence à s’enfoncer dans le même marécage ?
La diplomatie en mode panique
Et puis il y a Volodymyr Zelensky, l’homme d’hier. Son discours reste sans ambiguïté : « Nous avons besoin de 12 à 15 systèmes anti-aériens ». C’est concret, c’est direct, et pourtant, cela fait partie du grand théâtre européen. Pendant ce temps, la Russie avance inexorablement. Les troupes russes prennent des territoires, les missiles frappent les infrastructures ukrainiennes, et le monde continue de discuter de « prochaines étapes » tout en servant des verres de champagne dans des salons bruxellois.
Mais derrière les belles paroles et les déclarations enflammées, il y a une réalité toute autre. Les Européens commencent à paniquer. L’ombre de Donald Trump est déjà là, suspendue au-dessus de l’Atlantique. Son retour à la Maison Blanche promet de remettre tout en question. La France, la Pologne et l’Italie semblent encore une fois se diviser sur la marche à suivre, avec, comme toujours, la ligne dure en tête de cortège et les voix plus modérées noyées dans les débats.
Les « va-en-paix » absents
Il y a cette grande absente de la scène : la Hongrie, toujours présidant l’Union européenne, mais où sont ses leaders en cette heure de crise ? Orbán, ce « va-en-paix » de service, n’a même pas été invité à l’orgie diplomatique de ce sommet. Et pour cause, il est trop occupé à faire du lèche-bottes à Vladimir Poutine afin d’obtenir une vraie place à la table européenne. C’est peut-être là la vraie tragédie de l’Europe moderne. La recherche d’une « paix » qui ne fait que repousser l’inévitable.
Le summum de l’absurdité, c’est cette fuite en avant, cette volonté de discuter encore et toujours, comme si des solutions pouvaient émerger d’un amas de déclarations. Pour ces dirigeants, l’important semble être de maintenir les apparences, de faire croire que la solidarité européenne est intacte, même quand, au fond, chacun cherche à échapper à ses propres responsabilités.
Alors, à quoi sert ce sommet ? À rien. Une réunion pour discuter d’un « prochain soutien militaire », de « la protection de l’Ukraine », de « comment contrer Trump ». Bref, du vent.