Dans un monde où les migrations façonnent nos sociétés, les questions du départ et de l’exil sont souvent au cœur des débats. Mais qu’en est-il du retour ? Avec l’exposition « Revenir », visible au Mucem jusqu’en mars 2025, le musée marseillais pousse à réfléchir autrement. Ici, l’exil ne se clôture pas par l’arrivée. Il se poursuit dans le fantasme du retour, un espoir nourri ou avorté, une aspiration souvent plus complexe que la simple envie de rentrer.
Le retour est-il un aboutissement, une réconciliation avec la terre quittée ? Ou, comme l’a formulé le sociologue Abdelmalek Sayad, « le désir et le rêve de tous les immigrés » est-il aussi le plus insaisissable ? Pour certains, le retour est un voyage annuel, le temps d’un été. Pour d’autres, il reste un mirage, une idée nourrie par l’espoir mais piégée par les frontières, la guerre ou des réalités politiques intransigeantes. Dans un parcours où les objets côtoient les récits de vie, l’exposition « Revenir » tente de décrypter cette expérience de l’entre-deux : ni ici, ni là-bas.
Que signifie « revenir » lorsque la maison que l’on a quittée n’est plus ? L’exposition ne se contente pas de poser la question ; elle la visualise, la rend palpable. La scénographie, orchestrée par Claudine Bertomeu, plonge le public dans un univers où les souvenirs se confrontent aux obstacles réels. Il ne s’agit pas d’un retour triomphant mais d’une quête troublée. À travers des œuvres comme « Des graines ailées » de Sofiane Zouggar, on sent cette dispersion, cette incapacité à retrouver le sol natal. Et dans les dessins de Benji Boyadgian, « La topographie du retour », le tracé devient brouillon, parfois impraticable.
L’art comme lieu de dialogue
Si « Revenir » touche, c’est par sa capacité à relier l’intime et l’universel. Le Mucem, avec sa mission de documenter les cultures méditerranéennes, capte ici les histoires individuelles pour révéler des vérités partagées. L’installation photographique de Sabyl Ghoussoub et Tanya Traboulsi, « Le rocher », évoque cette impossibilité de revenir sur des terres marquées par le conflit, où le retour n’est plus un geste de réconciliation mais une confrontation avec l’absence. Et pourtant, chaque œuvre est un lieu de résistance, où l’art devient la réponse à l’impossible.
Une enquête sur le terrain, au-delà des œuvres
« Revenir » s’appuie également sur un travail scientifique, une enquête-collecte réalisée autour du bassin méditerranéen. Des chercheurs ont rassemblé des témoignages en France, en Grèce, en Cisjordanie, en Macédoine du Nord… Leurs découvertes, mises en scène sous forme de cartes réalisées par Philippe Rekacewicz, nous montrent des parcours migratoires à la fois géographiques et émotionnels. Ce sont des vies qui se dessinent sur ces cartes, où l’on voit à quel point la notion de « chez-soi » est mouvante, parfois fragmentée.
« Revenir », une invitation à penser autrement
Là où l’exposition frappe, c’est dans sa capacité à questionner nos certitudes. Le retour n’est pas une fin, ni un retour en arrière. Il est le signe d’une transformation, d’un devenir. Ceux qui reviennent ne sont plus les mêmes que ceux qui sont partis, et souvent, le lieu qu’ils retrouvent ne les attendait pas. La force de « Revenir » est de nous rappeler que ce processus est circulaire, multiple, et parfois impossible à boucler.
Le Mucem, fidèle à sa mission de questionner les cultures et les identités méditerranéennes, propose ici bien plus qu’une simple exposition. « Revenir » est une réflexion profonde sur ce qui fait de nous des êtres attachés à un lieu, à une mémoire. Et quand ce lieu devient inaccessible, alors le retour devient un concept, un espace mental, voire une œuvre d’art en soi.
En sortant du Mucem, la question qui reste en suspens est peut-être la plus personnelle. Qu’est-ce que le retour pour chacun de nous ?
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Merci pour cet article, qui donne envie d’aller découvrir cette exposition !