Jane Birkin, la plus Française des artistes britanniques, est morte à l’âge de 76 ans, ce dimanche 16 juillet à Paris. Elle laisse derrière elle une trace indélébile dans la mémoire des Français, où son nom est indissociable de celui de Serge Gainsbourg.
Elle était surnommée «l’Anglaise préférée des Français». L’interprète de «Je t’aime moi non plus» ou de «Di Doo Dah» n’est plus. L’actrice, chanteuse et réalisatrice franco-britannique Jane Birkin est décédée ce dimanche 16 juillet, à l’âge de 76 ans.
Indissociable de son plus grand amour, Serge Gainsbourg, dont elle a été la disciple, puis la muse, avant que le couple ne donne naissance à leur fille Charlotte, Jane Birkin laisse derrière elle un héritage artistique riche de nombreux films, mais surtout de 292 titres et de 14 albums enregistrés entre 1969 et 2020.
C’est au début des années 1960 que Jane Birkin fait sa première apparition dans le monde du cinéma. Timidement, elle enchaîne les petits rôles outre-manche, alors qu’elle n’a même pas vingt ans, avant de prendre une décision radicale qui va bouleverser sa vie : un départ pour la France. Alors que sa maîtrise de la langue est encore hésitante, Jane Birkin passe plusieurs castings, et malgré de piètres essais, elle est engagée en 1968 sur le tournage du film Slogan, de Pierre Grimblat.
Fraîchement arrivée à Paris, la jeune fan de Maryline Monroe ne manque pas de se faire repérer, et notamment par celui dont elle va tomber éperdument amoureuse : Serge Gainsbourg. Également présent sur le tournage de Slogan, il ne cesse de titiller la jeune Anglaise : «Je l’ai trouvé compliqué, arrogant, pendant le tournage. Il n’avait aucune gentillesse envers moi, il me mettait très mal à l’aise. Mais finalement c’était un chou. Drôle, charmant, prévenant», confiait-elle au journal Le Monde en avril 2017.
D’abord mal à l’aise en sa présence, Jane Birkin tombe rapidement sous le charme du chanteur torturé. «En une seule soirée, le personnage avait radicalement changé et j’étais tombée amoureuse de lui», s’est-elle souvenue. Ce soir-là, les deux futurs amants réservent une chambre d’hôtel. Jane Birkin lance un disque sur lequel ils dansent toute la nuit. Ainsi naît ce couple charismatique et photogénique, qui va fasciner plusieurs générations, et qui durera pendant dix ans, donnant naissance en 1971 à une petite fille : Charlotte Gainsbourg.
Les succès, puis la séparation
À cette époque, «l’Anglaise préférée des Français» s’accorde une pause de 1971 à 1972, à la suite de la naissance de Charlotte. Puis, alors que sa carrière se poursuit, enchaînant les succès au cinéma et dans la musique, sa relation avec Serge Gainsbourg se ternit. Lasse de ses excès, lui qui se réfugie toujours plus dans son personnage de chanteur irascible, infidèle et alcoolique, l’actrice le quitte en 1980. La rupture est nette, brutale et ébranle l’artiste.
Jane Birkin quitte alors leur mythique domicile du 5 bis, rue de Verneuil et s’installe quelques temps, à l’Hôtel Hilton Suffren, dans le 15e arrondissement parisien. «Quand il venait nous voir chez elle, les assiettes volaient», se remémore Charlotte Gainsbourg auprès de Télérama, début 2021. Dans son journal intime, Jane Birkin raconte cette descente aux enfers : «Voilà comment la vie avec Serge est devenue insupportable, son ivrognerie, et moi sa marionnette. L’alcool le transforme en quelqu’un de si différent et effrayant», confesse Jane Birkin, terrorisée par l’addiction de son ex-compagnon.
Conscient que son comportement toxique et violent a entraîné la chute de son couple, Serge Gainsbourg assume la pleine responsabilité de la rupture. «Jane est partie par ma faute, je faisais trop d’abus», reconnaît-il. Mais les anciens partenaires préservent un lien fort. Le chanteur sera même choisi par Jane Birkin pour devenir le parrain de Lou Doillon, sa fille benjamine, née de sa nouvelle relation amoureuse avec le cinéaste Jacques Doillon.
Et ce lien, indéniable, invaincu par la violence, l’alcool et le temps, a également donné naissance à une immense collaboration artistique, à travers la chanson, devenue la deuxième passion de la jeune Anglaise.
Une collaboration musicale artistique
En effet, Serge Gainsbourg a été le pygmalion de Jane Birkin dans le domaine musical, la propulsant au sommet des hit-parades internationaux en 1969 avec le sulfureux duo «Je t’aime… moi non plus», initialement écrit pour Brigitte Bardot. La chanson est jugée obscène par le journal du Vatican, l’Osservatore Romano, et sera même interdite de diffusion en Espagne, en Grande-Bretagne et en Italie. Elle donnera également le nom d’un film écrit et réalisé par Serge Gainsbourg, dont le scénario, évoquant l’ambiguïté sexuelle et la sodomie, attire l’attention et suscite le scandale.
Ce succès et ce scandale marquent les esprits et connaissent un retentissement durable. En 2000, une édition collector vinyle du titre «Je t’aime… moi non plus» remixé par Eiffel 65 voit le jour. Un album intitulé «Serge Gainsbourg – Jane Birkin» suit en 1969. La voix enfantine et frêle de la chanteuse, parfois proche d’un simple souffle, ainsi que son accent anglais prononcé, la rendent immédiatement reconnaissable. C’est le départ d’une longue collaboration qui aboutira à une œuvre à peu près unique dans la chanson française.
Plusieurs albums de Jane Birkin, composés par Serge Gainsbourg ou constitués de reprises de ses chansons, ont été certifiés Disque d’or, dont «Baby Alone in Babylone» (1983) et «Arabesque» (2002). Durant les années 1970 et 1980, Jane Birkin enchaîne les albums studio (sept de 1969 à 1990) et les prestations télévisées, notamment dans les shows de Maritie et Gilbert Carpentier. Ce n’est qu’en février 1987, à 40 ans, qu’elle fait ses débuts sur scène au Bataclan, surfant toujours sur les succès nés de sa précédente relation avec Serge Gainsbourg.
Un héritage qui perdure depuis 30 ans
À la mort de Serge Gainsbourg, en mars 1991, après une nouvelle série de concerts au Casino de Paris, Jane Birkin enregistre deux albums où elle reprend ses chansons (celles qu’il lui a écrites pour elle, ou pour d’autres : «Versions Jane» (1996, album studio) et «Arabesque» (2002, album live). Sur le premier interviennent d’autres artistes, comme Jean-Claude Vannier, qui a déjà collaboré avec Serge Gainsbourg, notamment sur Histoire de Melody Nelson, et Goran Bregović.
Elle devient ainsi l’ambassadrice de l’œuvre de Gainsbourg et donne des concerts à travers le monde, de Tokyo à New York en passant par Israël. La série de concerts d’«Arabesque» rencontre un franc succès et propose une version orientalisée de sa musique. La chanteuse dispose d’un répertoire riche de 292 titres et de 14 albums entre 1969 et 2020, dont la moitié en collaboration avec Gainsbourg.
Cette relation unique a dévoilé ses derniers secrets à l’occasion de l’ultime apparition en salles de Jane Birkin, en janvier 2022, pour le documentaire «Jane par Charlotte», où Charlotte Gainsbourg filme sa mère durant plusieurs mois à travers le monde, tout en se faisant d’intimes confidences. Alors qu’elle apparaissait très complice avec sa fille, elle n’aura pas la chance d’ouvrir, à ses côtés, le musée Gainsbourg dans l’ancienne maison de l’artiste, le 20 septembre prochain.