Et si la transparence était un concept purement décoratif ? C’est ce qu’on pourrait conclure après l’audience surréaliste qui s’est tenue le 16 novembre à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Au menu : des SMS disparus, des excuses improbables, et une Ursula von der Leyen au centre d’un scandale qui ferait pâlir un scénariste de série politique.
Imaginez un contrat à plusieurs milliards d’euros négocié par SMS. Oui, vous avez bien lu, via SMS. Entre la présidente de la Commission européenne et Albert Bourla, PDG de Pfizer. Une correspondance qui, si l’on en croit les plaignants, aurait été gérée avec la finesse d’une discussion de groupe WhatsApp.
Mais voilà, ces SMS ont mystérieusement disparu. La Commission européenne invoque tout à tour un téléphone remplacé sans transfert de données, une petite-fille joueuse ayant effacé des messages, et une innovation lexicale : les « short leave messages », ces SMS si courts qu’ils s’évaporent, comme par magie, dans l’éther bureaucratique.
L’audience à la CJUE aurait pu éclairer ces mystères. Au lieu de cela, elle a servi un spectacle d’esquive digne d’un match de boxe où personne ne frappe, mais tout le monde recule.
Il faut l’admettre, la CJUE n’a aucun pouvoir réel dans cette affaire. Ses juges peuvent grogner, annuler des décisions ou lever un sourcil courroucé, mais pour retrouver ces SMS, il faudrait un miracle… ou une juridiction pénale belge. Pourquoi belge ? Parce que les faits s’y sont déroulés, et que là-bas, la destruction de documents administratifs est un sport moins toléré.
Frédéric Baldan, entrepreneur engagé dans cette croisade judiciaire, et son avocate Me Diane Protat, n’ont pas mâché leurs mots. Frédéric Baldan a résumé l’audience dans un tweet mordant :
Ursula von der Leyen a organisé l’évasion de ses propres communications.
Une pirouette qui, si elle n’était pas réelle, serait presque admirable.
Mais là où l’affaire vire à l’absurde, c’est dans le désert médiatique qui entoure cette audience. À part quelques rares médias indépendants, les grandes rédactions ont préféré parler de tout sauf de cette bombe institutionnelle. Une omission qui, disons-le, en dit long sur les priorités de certains de nos confrères.
Et maintenant ? Le rendez-vous est fixé au 6 décembre 2024, cette fois au Tribunal de Liège. Peut-être, enfin, un espoir de vérité. Ou bien une nouvelle saison de la saga « UVDL contre la Transparence », un feuilleton où l’on rit jaune devant l’absence totale de responsabilité.
Mais soyons honnêtes, Ursula von der Leyen a-t-elle vraiment besoin de s’inquiéter ? L’Europe, si prompte à donner des leçons de morale démocratique, semble étrangement paralysée face à sa présidente et à son silence assourdissant.
Alors, que reste-t-il à faire ? Probablement s’habituer à l’idée que dans certaines sphères, les règles sont faites pour être pliées. Et que les SMS perdus, eux, resteront dans les limbes d’une opacité bien orchestrée.