Près d’un siècle après l’exposition qui l’a révélée à Paris, Tarsila do Amaral, figure emblématique du modernisme brésilien, est de retour sous les feux des projecteurs. Le Musée du Luxembourg célèbre cette pionnière avec une grande rétrospective intitulée « Peindre le Brésil moderne », une exposition qui se tiendra jusqu’au 2 février 2025.
Au cœur de cette exposition, 150 œuvres, dont 49 tableaux signés par l’artiste elle-même, permettent aux visiteurs de plonger dans l’univers unique de celle qui est considérée comme l’une des peintres les plus influentes du Brésil. Son œuvre a joué un rôle déterminant dans la mise en lumière de l’indigénisme, tant au Brésil qu’à l’international.
L’une des ambitions principales de l’exposition est de déconstruire certaines idées reçues sur les influences artistiques internationales. La commissaire de l’exposition, Cecilia Braschi, insiste sur la nécessité de sortir du discours réducteur selon lequel les artistes venus de l’étranger auraient simplement « appris » la modernité à Paris avant de l’exporter dans leurs pays respectifs. Selon elle, « Il n’y aurait pas eu de projet moderne pour Tarsila sans qu’elle n’apporte avec elle un bagage brésilien déjà en pleine transformation ».
Née en 1886 dans une famille de grands propriétaires terriens de la région de São Paulo, Tarsila do Amaral découvre Paris en 1920. Les premières toiles de l’artiste portent la marque de son éducation académique classique, influencée par l’impressionnisme. Mais c’est après son retour en France, en 1923, qu’elle s’immerge dans les courants avant-gardistes en fréquentant les ateliers de figures emblématiques comme Fernand Léger et André Lhote.
Une artiste en quête de son propre pays
Si Tarsila do Amaral s’approprie des techniques telles que le cubisme et le fauvisme, ses créations témoignent surtout d’une quête d’identité. Comme beaucoup d’artistes latino-américains de son époque, son séjour à Paris devient un moment clé pour réfléchir à la réalité de son pays natal.
Son œuvre A Negra (1923), peut-être son tableau le plus connu, illustre cette recherche d’un langage visuel propre. Le portrait frontal d’une ancienne esclave au regard pénétrant évoque la complexité des héritages historiques brésiliens. Ce tableau a même attiré l’attention de Blaise Cendrars, écrivain français, qui a choisi de l’utiliser comme couverture pour un de ses recueils de poèmes.
Une autre de ses œuvres phares, A Cuca, représente un monstre issu du folklore brésilien, illustré avec des couleurs vives et des formes stylisées, réaffirmant la volonté de l’artiste d’ancrer son travail dans les récits et symboles brésiliens. Tarsila do Amaral elle-même affirmait : « J’invente tout dans ma peinture. Ce que j’ai vu ou ressenti, je le stylise. »
Le manifeste anthropophage et l’art en mutation
Au-delà de son art, Tarsila do Amaral est également associée au Manifeste anthropophage, publié en 1928 par son compagnon Oswald de Andrade. Ce texte clé du modernisme brésilien prône l’appropriation et la transformation des influences coloniales et étrangères, une idée au cœur du travail de Tarsila do Amaral.
La crise de 1929 bouleverse la vie personnelle et artistique de la peintre. Ébranlée par les difficultés financières de sa famille, Tarsila do Amaral oriente alors son œuvre vers la représentation des classes ouvrières et des réalités sociales du Brésil.
De retour au pays en 1932, Tarsila do Amaral consacre le reste de sa vie à l’art et à l’exploration de son identité nationale. Elle est décédée en 1973 à l’âge de 87 ans, laissant derrière elle un héritage considérable.
Un rendez-vous culturel incontournable
L’exposition « Peindre le Brésil moderne » au Musée du Luxembourg est une occasion rare de découvrir, ou redécouvrir, l’œuvre de cette artiste incontournable. Grâce à une sélection riche et variée de peintures, l’événement met en lumière la trajectoire unique de Tarsila do Amaral, une artiste à la croisée des mondes, entre l’effervescence parisienne et les racines profondes du Brésil.
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