Le Sénat ? Ce laboratoire d’idées audacieuses où l’on jongle entre sacrifices et nobles idéaux. La dernière lubie en date ? Sept heures de travail gratuites par an pour chaque salarié. Et tout cela, bien sûr, au nom de la solidarité. Car rien ne dit « effort collectif » comme demander à ceux qui bossent déjà de mettre un peu plus la main à la pâte… sans la moindre rémunération.
Derrière cette idée lumineuse, Gérard Larcher, président du Sénat, s’est empressé d’enfiler son costume de chevalier de l’autonomie. « On ne peut pas se plaindre qu’on ne fait rien pour le vieillissement sans répondre par une démarche de solidarité », clame-t-il avec aplomb. Traduit dans la langue des salariés : « Vous ne voulez pas travailler plus ? Eh bien, travaillez gratuitement ! »
Bien sûr, la mesure prévoit une légère hausse des contributions patronales. Une pincée, vraiment, passant de 0,3 % à 0,6 %. Mais ne vous y trompez pas. Le gros de l’effort reposera sur les salariés. Car quoi de mieux qu’une bonne vieille journée de labeur non payée pour relancer les caisses de l’État ?
Les syndicats, eux, ne sont pas dupes et dénoncent une mesure aussi injuste qu’inefficace. « Un cadeau aux employeurs », disent-ils. Mais rassurez-vous, c’est un cadeau solidaire. D’ailleurs, n’est-ce pas l’esprit de Noël qui approche ? Un geste de générosité… forcée, cela va de soi.
Une solidarité à géométrie variable
Car enfin, qui pourrait s’opposer à la noble idée de financer la dépendance et les retraites ? Certainement pas Gérard Larcher, qui a bien compris l’essentiel. La solidarité, c’est toujours mieux quand ce sont les autres qui la pratiquent. Les salariés, par exemple. Ces travailleurs dociles qui, entre l’inflation, les fins de mois difficiles et l’angoisse de la réforme des retraites, n’en sont plus à un sacrifice près.
Mais pourquoi s’arrêter à sept heures ? Puisqu’on y est, pourquoi ne pas envisager un week-end entier offert à la nation ? Après tout, les Français n’ont-ils pas la réputation d’être des râleurs ? Voilà une belle occasion de leur rappeler la vertu du silence au travail.
Une boîte de Pandore bien tentante
Cette mesure, aussi floue qu’audacieuse, ouvre la porte à des scénarios passionnants. Aujourd’hui, sept heures gratuites. Demain, des semaines de congés converties en jours de bénévolat d’entreprise. Et si, au final, on instaurait une journée nationale du « travail désintéressé » ? Imaginez les slogans : « Ce n’est pas du travail forcé, c’est de l’altruisme programmé ! »
Mais le plus inquiétant reste l’absence de limites à cette logique. Car si l’on accepte que travailler gratuitement soit une solution pour résoudre les problèmes de financement public, combien de temps avant que cela devienne la norme ?
Travailler pour rien, ou rien ne change
Le Sénat semble convaincu que l’on peut combler un déficit structurel avec un peu de sueur gratuite. Une logique qui pourrait presque prêter à sourire si elle ne cachait pas une vérité bien plus amère. Quand il s’agit de « solidarité », le curseur se place rarement là où il faudrait.
Et pendant que les salariés font des heures gratuites, les décideurs continuent de jongler avec des budgets déficitaires et des choix économiques discutables. Après tout, il est plus facile d’exiger un effort des autres que de s’attaquer aux vrais problèmes.