Nichée au cœur des fjords majestueux de l’ouest de la Norvège, une menace silencieuse mais implacable se prépare. Depuis des décennies, la montagne d’Åkerneset, massive formation minérale couverte de mousse et de végétation, se scinde progressivement, son flanc oriental glissant inexorablement vers le Sunnylvsfjord en contrebas. Un jour, cet immense morceau de montagne finira par s’effondrer dans l’eau, générant des vagues titanesques capables de submerger les villages avoisinants.
La montagne d’Åkerneset, surveillée de près par les géologues depuis des années, est en mouvement constant, avec un affaissement de 10 centimètres par an. Lars Harald Blikra, géologue de la Direction des ressources en eau et de l’énergie (NVE), observe depuis vingt ans l’évolution de cette fissure menaçante.
« Tout ce versant de la montagne est instable et en mouvement, ce qui peut provoquer un gros éboulement », explique-t-il, soulignant la gravité de la situation. Selon un rapport de la Sécurité civile norvégienne, publié en 2016, ce sont 54 millions de mètres cubes de roche qui pourraient se détacher, déclenchant un tsunami aux conséquences dévastatrices pour les villages environnants.
Malgré les risques, les habitants de cette région vivent leur quotidien sans réelle appréhension. « Ici, on ne peut pas vivre constamment avec cette idée en tête. Sinon, on ne vit plus », déclare Olav Arne Merok, un résident de Geiranger, l’un des villages les plus menacés. De même, Geir Gjørva, agent maritime de 69 ans, minimise la gravité de la situation : « Ce n’est pas un sujet dans la vie quotidienne. Tout le monde sait que le système d’alerte et les mesures d’urgence sont très efficaces. »
Åkerneset est l’une des montagnes les plus surveillées au monde. Des instruments GPS, des sondes topographiques et d’autres dispositifs mesurent en continu les moindres mouvements de la masse rocheuse. Les géologues sont convaincus que l’effondrement, lorsqu’il surviendra, ne sera pas soudain et sera précédé de signes avant-coureurs permettant une évacuation en temps voulu. Einar Arve Nordang, maire de la commune de Stranda, assure que tous les plans d’urgence sont prêts : « On aura de multiples moyens de communiquer », affirme-t-il, rassurant la population sur les mesures prises.
Les experts explorent également des solutions pour ralentir le processus d’effondrement. Une des pistes envisagées serait de drainer l’eau qui agit comme un lubrifiant à l’intérieur de la montagne, mais cette option est coûteuse et techniquement complexe. « On pense que cela ralentirait le tassement de manière significative », déclare Sverre Magnus Havig, haut responsable de NVE, suggérant que ce cataclysme pourrait être repoussé de plusieurs siècles.