Le 21 septembre 1993, le corps de Karine Volckaert (8 ans) était retrouvé au fond d’un puits dans l’Aude. Patrick Tissier avait reconnu quelques jours plus tard le viol puis le meurtre de l’enfant. Condamné à perpétuité avec une peine de prison incompressible de 30 ans, « l’ogre de Perpignan » pourrait bénéficier d’une libération conditionnelle, rendue possible depuis le 21 septembre.
Une affaire qui n’a pas fini de faire polémique en France. Le viol puis le meurtre de la jeune Karine Volckaert (8 ans) le 13 septembre 1993 ont plongé la France dans l’effroi. Son bourreau Patrick Tissier, considéré comme « le tonton » de la famille, avait révélé les détails de sa mort et le lieu de dépôt du corps de la fillette lors de son audition, consécutive à son arrestation, le 21 juillet 1993.
Ce dernier avait confié avoir récupéré la fillette à la sortie de son école à Perpignan (Pyrénées-Orientales) avant de la menotter, de la bâillonner, de la cagouler et de la violer dans sa voiture. Arrivé à destination, à savoir une petite cabane abandonnée aux Cabanes-de-Fitou (Aude), l’assaillant a étranglé à mort l’enfant, avant de la violer à nouveau puis de jeter son corps dans un puits avoisinant et de le recouvrir de détritus, selon Midi Libre.
Après avoir passé quatre ans et demi en détention provisoire, Patrick Tissier, surnommé « l’ogre de Perpignan », a été condamné le 26 janvier 1998 par la cour d’assises des Pyrénées-Orientales à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de 30 ans incompressible.
Une demande de libération rendue possible
Détenu à la prison centrale d’Ensisheim (Haut-Rhin) depuis son jugement en 1998, « l’ogre de Perpignan » pourrait bénéficier d’une libération conditionnelle dans les prochains jours, comme la loi l’autorise. En effet, la mise en place de la peine de perpétuité réelle, dite incompressible, a été créée en 1994 par le gouvernement d’Édouard Balladur après l’émotion suscitée par cette affaire.
Toutefois, pour se conformer aux traités internationaux, la France a rendu possible le réexamen de cette période de sûreté incompressible en permettant au détenu de pouvoir déposer une demande de sortie au bout de 30 ans. Une disposition juridique que pourrait utiliser Patrick Tissier pour être libérable depuis le 21 septembre 2023.
« C’est le tribunal d’applications des peines (TAP) et pas le juge d’applications des peines (JAP) qui accorderait cette libération conditionnelle. La différence notable entre les deux est que pour le TAP, il y a trois juges au lieu d’un seul pour la JAP », a détaillé Pierre-Marie Sève, le directeur du think tank « Institut pour la Justice », pour Quotidien Libre. Patrick Tissier a d’ailleurs fait la demande d’une libération conditionnelle, d’après France 3 Occitanie.
5 vols commis entre 1971 et 1993
Dès sa jeunesse, Patrick Tissier a eu des comportements déviants envers ses proches. En 1965, à seulement 12 ans et demi, il a tenté de violer sa sœur avant de renoncer après avoir été raisonné par cette dernière. En mars et avril 1969, il a tenté de violer sa belle-mère dans la salle de bains, tout en la frappant à la tête et en tentant de l’étrangler.
Il a commis son premier crime le 1er mai 1971. Après avoir essuyé un refus d’une amie apprentie coiffeuse pour un rapport sexuel, Patrick Tissier a tué la jeune femme par strangulation, avant de la violer et de jeter son corps dans la rivière. Âgé de 20 ans à l’époque des faits, il a finalement évité la perpétuité et la peine de mort car la majorité était fixée à 21 ans à ce moment précis.
En 1982, alors en permission pour bonne conduite, Patrick Tissier a violé puis tenté de tuer une secrétaire, avant d’être l’auteur d’une nouvelle tentative de viol le lendemain. Arrêté pour ces faits en 1983 à Nice, il a été condamné à 10 ans de réclusion criminelle. Libéré pour bonne conduite en janvier 1992, il a déménagé à Perpignan pour y rejoindre une communauté mormone afin de se repentir.
Outre le viol puis le meurtre de Karine Volckaert, la fille de Jocelyne Mulluy dont il s’était rapproché à Perpignan, Patrick Tissier a également violé puis tenté de tuer son amie Marie-José Gauze le 10 septembre 1993. Quelques semaines auparavant, il avait violé puis tuer sa voisine de palier Concetta Lemma, mère de sept enfants, le 6 août 1993.
L’homme aujourd’hui âgé de 71 ans a finalement passé 48 ans de son existence en prison après avoir été reconnu coupable du meurtre et du viol de deux femmes et d’une enfant de 8 ans, ainsi que du viol de deux autres femmes.
La peine de perpétuité réelle est-elle envisageable ?
L’antenne locale de France 3 a aussi révélé la lettre écrite par ce dernier à sa mère avant son procès en 1998. « Je prendrai 30 ans, mais je m’en moque. Un jour, on ressort. Et dans quel état ? », avait assuré le tueur. Une prise de position qui a de quoi interroger sur la mise en place d’une peine de perpétuité réelle en France pour les plus grands criminels du pays.
« Dans les années 1990, quand Pierre Méhaignerie, le garde des Sceaux de l’époque, avait fait voter la perpétuité incompressible, la justice s’était heurtée à certains obstacles. La Convention européenne des droits de l’Homme empêche tous les pays européens d’avoir une vraie perpétuité sans aucune possibilité de libération. C’est pourquoi même la perpétuité incompressible bénéficie d’un réexamen possible, sous des conditions draconiennes, au bout de 30 ans », a analysé Pierre-Marie Sève.
Pourtant, l’expert a donné un avis tranché sur la question, rejoignant une majorité de Français interrogés sur cette problématique il y a quelques années. « A mon avis, la perpétuité réelle devrait exister. Un de nos confrères avait partagé un sondage le 17 septembre 2021 indiquant que 92% des Français sont favorables à la perpétuité réelle sans aucune possibilité de sortie pour les pires criminels (…) La prison à vie, aussi cruelle puisse-t-elle être, se justifie dans quelques très rares cas. Aujourd’hui, malheureusement, son principe n’existe pas en France, ni en Europe », a conclu Pierre-Marie Sève.
La loi d’orientation et de programmation 2023-2027, adopté à l’Assemblée le 18 juillet dernier, a pour but de faire passer le budget de la justice de 9,6 milliards d’euros aujourd’hui à 10,8 milliards d’euros en 2027. Cette hausse doit permettre de recruter 10.000 fonctionnaires d’ici à quatre ans, dont 1.500 dans la magistrature et 1.500 pour les greffes. L’objectif final est simple : réduire de moitié les délais de justice.